Qui était Agrippa ?

Agrippa
Henricus Cornelius Agrippa de Nettesheim
Henricus Cornelius Agrippa de Nettesheim, dit Cornelius Agrippa ou encore Agrippa de Nettesheim, est considéré comme un savant occultiste ou ésotériste. Le jésuite Marc-Antoine Del Rio l'appelle « archimage ». Agrippa est né le 14 septembre 1486, près de Cologne en Allemagne, et il est mort le 18 février 1535 à Grenoble à l’âge de 48 ans. Il est issu d’une famille de noblesse moyenne. Son véritable nom de naissance est Cornelis ; il y joignit Agrippa, tiré de l'ancien nom de Cologne (Colonia Agrippina), son lieu de naissance, et y ajouta ab Nettesheim, ce qui donne en latin, avec le nom de baptême, Henricus Cornelius Agrippa ab Nettesheim. En français on l’appelle Henri-Corneille Agrippa et parfois Cornille Agrippa ou Agrippe.

Agrippa est reconnu comme étant un grand nom de l’occultisme de la fin du Moyen-Âge et de la Renaissance et il a influencé par la suite des générations de magiciens et de philosophes occultes.

Sa vie a été aventureuse et il a fait beaucoup de voyages à travers l’Europe, en France, en Espagne, en Angleterre et en Italie.

 

Ses études à l’Université de Cologne

Agrippa fait des études en lettres (1502) et sans doute de médecine, de droit et de théologie à l’Université de Cologne (1499-1502). Il est « docteur ès-lettres » et docteur en médecine de Cologne-sur-le-Rhin. Il a reçu le degré de magister artium. L'Université de Cologne était l'un des centres du thomisme, et la faculté des arts était divisée entre les thomistes dominants et les Albertistes. Il est probable que l'intérêt d'Agrippa pour l'occulte provient de cette influence Albertiste. Il a ensuite étudié à Paris, où il a apparemment participé à une société secrète impliquée dans l'occultisme.

Un mercenaire en Espagne et la Kabbale Chrétienne

C’est en 1508 qu’il se lance dans une expédition militaire en Espagne, au service de Ferdinand II d'Aragon, en tant que mercenaire. En l'honneur de Marguerite de Bourgogne, il rédige alors un traité en latin intitulé De la noblesse et préexcellence du sexe féminin (écrit en 1509 mais publié en 1529). Il fonde ensuite à Avignon et à Paris une association d'amis, dont Charles de Bovelles et Jacques Lefèvre d'Étaples, des alchimistes notoires, sont membres. En 1509, il enseigne à Dole, dans le Jura, la Kabbale Chrétienne de Johannes Reuchlin, ce qui le fait accuser d'hérésie car nous sommes en pleine période de l’Inquisition. Les conférences d'Agrippa ont cependant reçu beaucoup d'attention, et il a reçu un doctorat en théologie à cause d'elles. C’est le franciscain Jean Catilinet qui le dénonce comme un « hérétique judaïsant » et le force à quitter Dôle en 1510. On va le retrouver brièvement en tant qu’agent secret à Londres pour mener une mission politique sur les ordres de l'empereur Maximilien.

Voyages en Italie

En Allemagne, il rend visite au fameux abbé ésotériste Jean Trithème (Johannes Trithemius), auquel il montre sa première version de la philosophie occulte (1510). Ce dernier ne comprend alors pas l'influence centrale de la kabbale de Reuchlin et recommande à Agrippa de garder ses études occultes en secret. Il entre au service de l'empereur Maximilien Ier de Habsbourg, comme militaire (1511), pour escorter des cargaisons d'or et attaquer Venise. L’empereur lui a décerné le titre de Ritter (équivalent de chevalier). Il donne des conférences sur le très ésotérique Poimandrès du Corpus Hermeticum, à Pavie. Il est resté en Italie pendant sept ans, en partie au service de Guillaume IX, le marquis de Montferrat, et en partie à celui de Charles III, duc de Savoie. Il aurait même assisté au conseil schismatique de Pise de 1512, qui a été convoqué par des cardinaux en opposition à un conseil épiscopal du Pape Jules II.

Influencé par le luthérisme

En 1518 il revient en France et le voici conseiller municipal et avocat à Metz, ville libre d'Empire ; il se lie avec le fils d'un notaire de Metz, l'humaniste Claudius Cantiuncula, alors étudiant à Bâle, qui le tient informé du débat de Luther et de Jean Eck et lui envoie le Compendium d'Érasme et les thèses de Martin Luther. C’est alors qu’Agrippa sera très influencé par le luthérisme.

Mais à Metz, comme à Dôle, ses opinions l'amenèrent bientôt à entrer en querelle avec les moines. Il participe au débat sur le triple mariage de Sainte-Anne, exprimant son soutien passionné à la critique de Jacques Lefèvre d'Étaples sur la légende populaire qui lui a attribué trois maris et trois filles. Alors qu’il défend avec véhémence une femme de Woippy accusée de sorcellerie en avançant l'excuse de la sénilité, la sauvant du bûcher, il est dans l’obligation de fuir le Pays messin, lui-même accusé par trois moines conservateurs de sorcellerie pour avoir défendu une sorcière. Il se réfugie en Suisse. On retrouve sa trace à Genève en 1521, à Berne et à Fribourg en 1523 où il exerce comme Médecin de la ville jusqu’en 1524 et publie des calendriers astrologiques en 1523.

Médecin personnel de la mère de François Ier

Agrippa
Il revient une nouvelle fois en France en 1524 pour se fixer à Lyon comme médecin. Il aurait été fait quémandé par Marguerite de Navarre, sœur de François Ier. Il est nommé peu après médecin personnel (et donc astrologue) de Louise de Savoie, mère de François Ier.

Il a essayé de gagner la faveur de la sœur du roi, Marguerite d'Alençon, en lui consacrant sa déclamation De sacramento matrimonii (Sur le sacrement du mariage, 1526) en parallèle en français et en latin. Malheureusement, c'était une erreur et un échec terrible. La princesse (qui avait récemment été veuve) était déjà hostile à l'esprit Erasmien, auquel Agrippa a fait référence pour revendiquer la licéité et le bénéfice des deuxièmes mariages. En outre, les autorités ecclésiastiques ont pu reconnaître l'influence de certaines œuvres condamnées d'Erasmus sur l'attitude positive d'Agrippa envers le mariage, ainsi que le lien qui l'a relié au traité De sacro coniugio du Franciscain François Lambert qui avait fuit à Strasbourg après avoir rejoint la Réforme. La position d'Agrippa à la cour devenait plus grave.

Sa correspondance avec le duc de Bourbon, qui avait trahi la couronne française pour s'associer à l'empereur, a remis en question ses loyautés politiques, et il était soupçonné d'être impliqué dans un complot. Finalement, il perd son poste en refusant d'établir l'horoscope de François Ier, une pratique qu'il jugeait superstitieuse. Agrippa a été dépouillée de sa pension et interdit de quitter la France. C’est au milieu de telles mésaventures qu’il a écrit son De incertitudine et vanitate scientiarum. C'était un commentaire mordant sur toutes les sciences et les arts de l'homme et une attaque féroce contre les hypothèses morales et sociales de son époque.

Enfin autorisé à quitter la France, il part à Anvers en 1528 pour combattre la peste et devient archiviste-historiographe au service de la princesse Marguerite d'Autriche (1480–1530), gouvernante des Pays-Bas et petite fille du Duc de Bourgogne Charles le Téméraire. C’est à cette époque qu’il commence à faire publier à Anvers quelques-uns de ses traités. La mort de Marguerite d’Autriche, en 1530, affaiblit sa position, et la publication de certains de ses écrits à la même époque suscita de nouveau la haine de ses ennemis. En publiant ses œuvres, il s'est opposé à l'Inquisition qui cherchait à suspendre l'impression de De occulta philosophia. Les théologiens de Louvain, interrogés par Marguerite d'Autriche elle-même, ont condamné De vanitate comme scandaleux, impie et hérétique, de même que la Sorbonne par rapport à l'édition parisienne. Après avoir été condamné à une peine d'emprisonnement à Bruxelles, il vit à Cologne et à Bonn, sous la protection de Hermann de Wied, archevêque de Cologne. Hermann de Wied qui était à la fois intéressé par les sciences occultes et sympathisant d’une réforme religieuse modérée, lui a offert une protection et, en juin 1532, l'a amené sous son toit.
 

Une fin dramatique dans les prisons françaises

Rentré en France, il est mis en prison, sur ordre de François Ier, pour avoir écrit contre Louise de Savoie, qui ne le payait pas. Il meurt, peu de temps après avoir recouvré sa liberté, dans l'hôpital de Grenoble, le 18 février 1535.

Agrippa avait un chien qui a sauté dans le Rhône alors que son maître approchait de la mort et beaucoup ont alors pensé qu’il s’agissait d’un démon.

Ses publications

L'aspect le plus frappant de son héritage est la coexistence apparemment paradoxale d'un traité complet sur la magie et les arts occultes, De occulta philosophia libri tres ( Trois livres sur la philosophie occulte ), écrit en 1510, mais retravaillé, largement agrandi et finalement publié en 1533, et une réfutation rigoureuse de tous les produits de la raison humaine De incertitudine et vanitate scientiarum et artium atque excellentia verbi Dei declamatio invectiva (sur l'incertitude et la vanité des arts et des sciences : une déclamation invective), imprimée en 1530.

On retient surtout de son œuvre les trois livres importants d’Agrippa concernant la philosophie occulte : De occulta philosophia libri tres - Livre 1 imprimé à Paris en 1531; Livres 2-3 à Cologne en 1533. C’est le summum de la pensée occulte et magique, le travail le plus important d'Agrippa à plusieurs égards. Il a cherché une solution au scepticisme proposé dans De vanitate. Agrippa a défendu une vision synthétique de la magie, grâce à laquelle le monde naturel combiné avec le céleste et le divin par la participation néoplatonicienne, de sorte que la magie naturelle ordinairement légale était en fait validée par une sorte de magie démoniaque issue en définitive de Dieu. Par ce moyen, Agrippa a proposé une magie qui pourrait résoudre tous les problèmes épistémologiques soulevés par le scepticisme dans une validation totale de la foi chrétienne à travers la métaphysique néoplatonique et la théologie hermétique.

Le « paradoxe » avec lequel Agrippa défie ses lecteurs réside précisément dans la présence simultanée de deux préoccupations spéculatives répandues dans différents textes mais qui, malgré leur apparente incohérence, expriment un projet culturel et religieux complexe.

Le Livre 4 de : De occulta philosophia n’aurait pas été écrit par Agrippa mais on lui attribue malgré tout. C’est le livre qui parle de la Magie d’Arbatel, publié en 1575.

On connaît également de Agrippa une énorme correspondance qui n’a pas encore été publiée.

Comment les textes sont-ils composés ?

Agrippa a composé ses textes en réunissant un large éventail de concepts et de citations provenant de sources anciennes et contemporaines, qui ont été supprimées de leur contexte d'origine et reconstituées dans une nouvelle structure explicative. Une telle façon de déconstruire et de reconstruire ses modèles culturels devrait être considérée à la lumière du programme idéologique d'Agrippa. En réécrivant ses sources, il a découvert des présuppositions et des implications, que les sources elles-mêmes laissaient souvent ignorées, et il se liait, dans un seul projet cohérent, des arguments et des points de vue qui restaient séparés dans les discussions contemporaines.

De cette façon, il a ajouté un sens « politique » au nouveau texte qui n'était pas présent dans la critique purement culturelle ou religieuse proposée par ses sources. Cet accent mis sur la fonction civique de la philosophie peut être considéré comme l'élément le plus caractéristique et le plus original dans les œuvres d'Agrippa.

Il aurait renié la magie

Selon des sources érudite « dès 1525 et encore plus tard en 1533 (deux ans avant sa mort), Agrippa aurait clairement et sans équivoque rejeté la magie dans sa totalité, de ses sources dans l'antiquité imaginaire à la pratique contemporaine ». Certains aspects restent incertains, mais certains pensent que cette renonciation était sincère (pas par crainte de l’Inquisition ou autre).

Dans le troisième livre de la Philosophie occulte, Agrippa conclut avec ceci :

Concernant la magie, j'écrivais alors que j'étais très jeune trois grands livres, que j'ai appelés « Philosophie occulte », dans lesquels ce qui, par la curiosité de ma jeunesse, était erroné, je suis maintenant plus informé, j'aimerai me rétracter par cette renonciation; J'ai autrefois passé beaucoup de temps et dépensé beaucoup d’argent dans ces vanités. Enfin, j'ai grandi de manière à pouvoir dissuader les autres de cette destruction. Car quiconque ne fait pas dans la vérité, ni dans la puissance de Dieu, mais dans les tromperies des démons, selon l'opération des méchants esprits présume de se diviser et de prophétiser, et de pratiquer par des vanités magiques, des exorcismes, des incantations et d'autres œuvres démoniaques et tromperies, de l'idolâtrie, se vanter des illusions et des fantasmes qu’ils pouvaient faire cesser, se vanter qu'ils puissent faire des miracles, je dis tout cela que Jannes, Jambres et Simon Magus, sont destinés aux tourments du feu éternel.
 

Mais pourquoi aurait-il écrit à la fin de son troisième grand livre un passage qui parle justement de ce livre qu'il aurait écrit par le passé alors qu’il est justement en train de le finaliser pour sa publication ? Ces livres n’ont d’ailleurs pas été écrits dans sa jeunesse mais complétés et finalisés seulement quelques années avant sa mort. Ca ne tient pas la route et Dramatic pense que Agrippa n’aurait jamais renié la magie.

La vérité est que Agrippa a pu livrer en 1532 la version complète et définitive de De occulta philosophia à l'éditeur de Cologne Johannes Soter. En novembre l’édition était déjà composée et prête à être mise sous presse. Peu avant Noël, cependant, l'inquisiteur dominicain Conrad Köllin dénonce le livre comme hérétique et blasphématoire, ce qui amène le Sénat de la ville à suspendre l'impression. L'appel passionné et controversé d'Agrippa au Sénat de Cologne n'a pas réussi à le sortir de l'impasse. C'est plutôt l'intervention énergique d’Hermann qui a permis à De occulta philosophia d'apparaître, même si elle était accompagnée d'une annexe comprenant les chapitres de De vanitate qui critiquaient la magie et où il disait qu’il reniait celle-ci. Ce n’était qu’un compromis permettant à l’édition de voir le jour mais en réalité il ne faut pas en tenir compte.




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