La chute des Templiers

Les templiers sur le bûcher
Les templiers sur le bûcher

Sept cents ans après leur disparition, les Templiers continuent à fasciner, entre légende et réalité. Leur chute tragique y est pour quelque chose...

L'aventure des Templiers demeure une puissante machine à rêver... Il y a, dans cette histoire, du sang, de l'or, des cérémonies secrètes et même du sexe. L'histoire des Templiers s'est terminée dans les flammes du bûcher qui fit périr le Grand Maître de l'Ordre, Jacques de Molay, le 18 mai 1314. Mais c'est aussi le moment où sa légende est née, avec les paroles qu'aurait prononcées le supplicié dans ses derniers instants :

« Les corps sont au roi, mais les âmes sont à Dieu ! Pape Clément ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à comparaître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu'à la treizième génération de vos races ! »

 

Le mystère des Templiers

Baphomet
Baphomet, l'idole des Templiers
Des paroles qui, si elles avaient réellement été prononcées, n'auraient pu qu'impressionner : Clément V mourut en effet d'un coup le mois suivant, le 20 avril, d'étouffement, alors que Philippe IV, dit Philippe le Bel, succomba d'un d'un ictus cérébral survenu lors d'une chasse le 29 novembre 1314. Ses trois fils mourront dans les 12 années à venir, sans laisser de descendance mâle, mettant ainsi fin à la lignée des Capétiens. Pour autant, aucune source sérieuse ne cite ces mots, qui sont en réalité tirés des Rois Maudits de Druon. Et si certains rapportent que Jacques de Molay lança réellement une malédiction contre le pape et le roi de France, le doute sur son contenu persiste encore et toujours.

Du reste, une aura de mystère plane depuis lors autour des Templiers, donnant lieu à d'innombrables élucubrations, sur leur fameux trésor caché, le Saint Graal qu'ils auraient détenu, l'Arche d'Alliance qu'ils auraient dissimulée, le Baphomet, une sorte d'antéchrist, qu'ils auraient adoré, etc. Pourtant, a bien y regarder, ce que l'on sait réellement de leur parcours et de la fin des Templiers suffit en soi-même à faire de l'histoire des Templiers l'une des pages les plus fascinantes de l'histoire de France, un conflit entre intérêts publics et privés, entre papauté et royauté, entre pouvoir et appât du gain.
 

Une puissance qui devenait gênante

Croix des gueules
Croix des gueules
Dans de nombreux pays occidentaux, le pouvoir des Templiers et leur puissance militaire commencent à devenir un sujet d'inquiétude pour des monarques soucieux de leurs prérogatives. Et certains craignent que les Templiers, dont les commanderies essaiment dans de nombreux pays, finissent par vouloir créer leur propre État, à l'instar des chevaliers Teutoniques en Prusse ou des Hospitaliers a Rhodes. En France, Philippe le Bel se sent lui aussi menacé par la présence grandissante d'un ordre qui, pourtant, l'épaule lorsqu'il faut mater des émeutes et lui prête les sommes conséquentes permettant de remplir des caisses royales désespérément vides, bien qu'il ait déjà banni et spolié de leurs biens les banquiers lombards puis juifs du pays. En outre, les Templiers doivent faire face à de nombreuses critiques : ils sont considérés comme arrogants, vivant dans le luxe, se pensant au dessus des lois, inutiles.

Le pape Clément V, élu en 1305, lui aussi inquiet de l'attitude des Templiers, leur lance une mise en garde : « Que les Templiers se gardent de lasser ma patience afin que l'Église ne soit pas obligée d'examiner de plus près certaines choses répréhensibles supportées jusqu'à ce jour avec trop d'indulgence ». Le souverain pontife lance le projet de fusionner l'Ordre du Temple avec celui Hospitaliers, une initiative à laquelle les deux congrégations s'opposent.
 

De fausses accusations

Pourtant, en 1307, Jacques de Molay se rend en France à l'invitation du pape, où il est supposé se réunir avec Foulques de Villaret, le grand maître Hospitalier, afin de discuter de cette fusion. Mais, Villaret n'arrivant pas, c'est un autre sujet qui est abordé par Clément V. Philippe le Bel, avec lequel le souverain pontife entretient des relations détestables, lui a fait remonter les informations recueillies en 1306 auprès d'Esquieu de Floyran, prieur de Montfaucon. Ayant séjourné en prison avec des Templiers, ceux-ci lui auraient avoué les pratiques hérétiques de leur ordre, entre blasphèmes et pratiques sexuelles interdites. De Floyran s'est confié à Philippe le Bel qui, sans forcément croire ces allégations, vit le bénéfice qu'il pouvait en tirer. Roi omnipotent et au caractère ombrageux, Philippe entretient avec la papauté des relations difficiles depuis 1294 et l'élection de Boniface Vlll. Soucieux d'affirmer la prédominance du pouvoir royal et de diminuer l'influence de l'Éqlise en son pays, il a même été jusqu'à envoyer son principal conseiller, Guillaume de Nogelet, à la tête d'une troupe armée (600 cavaliers et 1500 fantassins) à Anagni (Latium) où résidait le pape afin de l'y menacer, le 8 septembre 1303. Le Pape répondit à ses agresseurs : « Voici mon cou, voici ma tête. Je mourrai mais je mourrai Pape ». Un mois plus tard, Boniface VIII décède à Rome puis son successeur, Benoît Xl, meur à son tour, le 7 juillet 1304. Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, est alors élu pape le 5 juin 1305, sous le nom de Clément V.

C'est dans ce contexte que le souverain pontife fait part à Jacques de Molay des accusations qui pèsent contre son Ordre. Le Grand maître des Templiers, après avoir nié ces charges, demande au pape de lui apporter son aide face au Roi de France. Clément V, qui ne croit guère à ces accusations, écrit le 24 août 1307 à Philippe le Bel pour lui demander d'ouvrir une enquête pontificale sur les rumeurs qui courent à l'encontre des Templiers, lui rappelant au passage que l'Ordre ne dépend que de lui. Mais le roi de France a déjà décidé qu'il voulait en finir le Temple.

Une vague d'arrestations

Philippe Le Bel
Le Roi Philippe Le Bel
Le 14 septembre 1307, Philippe le Bel envoie à tous les sénéchaux du royaume l'ordre secret d'arrêter tous les Templiers de France en une action simultanée. Ce qui est fait le vendredi 13 octobre : plusieurs centaines de Templiers (les chiffres oscillent entre 546 et plus de 1 500 selon les sources), dont 140 à Paris (y compris Jacques de Molay), sont emprisonnés. Les charges qui pèsent sur eux sont extrêmement lourdes : hérésie, blasphème, etc. De quoi envoyer les moines-soldats au bûcher.

En apprenant la nouvelle de ces arrestations, Clément V est furieux. Le 27 Octobre, il écrit à Philippe le Bel : « Votre conduite impulsive est une insulte contre nous et contre l'Église romaine. » Il faut dire que l'acte est un camouflet pour son autorité : les Templiers ne dépendent normalement que de lui et n'ont pas à répondre à la justice d'un pays.

Cela n'empêche pas le roi de France de mettre en branle la machine judiciaire. Tous les biens mobiliers et immobiliers du Temple sont saisis. Comme nombre des membres de son Ordre, Jacques de Molay est interrogé et torturé. L’Inquisition ne lésine pas sur les moyens : en plus d 'être intimidés, confinés dans d'immondes cachots, nourris au pain et à l'eau, les Templiers sont soumis au chevalet, à l'estrapade ou à la brûlure de la plante des pieds. Ces méthodes sont « efficaces ». A Paris, 134 des 140 Templiers interrogés avouent l'un ou l'autre crime. Mais ils sont aussi 38 à succomber suite à ces pratiques...

Les interrogatoires font même apparaître de nouveaux « crimes » : les aspirants Templiers doivent cracher trois fois sur la croix, ils doivent embrasser un supérieur sur le postérieur, le nombril et la bouche, se livrer à des pratiques homosexuelles, porter une cordelette d'abord « consacrée » sur une idole païenne (le Baphomet), etc. Le chevalier Jean de Châlon déclara même à ses geôliers que des chariots remplis d'or auraient quitté Paris la veille de l'arrestation, c'est-à-dire le soir du 12 octobre 1307.
 

Les aveux du Grand Maître des Templiers

Jacques de Molay lui-même signe une confession sous la torture : il avoue reniement du Christ et crachat sur la croix, lors de son admission dans l'Ordre, en 1265. Ces aveux, rendus publics, font dégringoler la cote du Temple dans l'opinion publique et dans les cours royales. Partout en Europe, les rois font interroger les Templiers présents sur leur sol alors qu'ils étaient jusqu'alors réticents à suivre les incitations de Philippe le Bel. Pour sa part, Clément V, sentant la situation lui échapper, envoie deux cardinaux interroger le grand maître. Le 27 décembre, Jacques de Molay comparaît devant eux et leur affirme que ses aveux lui ont été extorqués sous la torture et qu'il est innocent. Prévenu, Clément V fait interrompre le travail des inquisiteurs. En réaction, Philippe le Bel lui fait présenter à Poitiers soixante-douze Templiers, triés sur le volet, qui confirment les accusations portées à leur égard. Troublé, Clément V ordonne la création d'une commission pontificale chargée d'étudier les cas des Templiers. Surprise : en août 1308, Jacques de Molay revient sur sa rétractation devant des cardinaux !

La commission pontificale demande alors aux Templiers de présenter des défenseurs. En quelques semaines, ils sont plus de 500, qu'ils aient déjà avoué sous la torture ou qu'ils y aient résisté, à se manifester ! Devant le nombre et la force de leurs arguments (les Templiers avaient beau jeu de rappeler qu'ils avaient donné leur sang pour le Christ, eux ...), l'accusation commence à trembler. Le roi prend alors une décision brutale : le 12 mai 1310, il fait envoyer au bûcher cinquante-quatre Templiers ayant rétracté leurs aveux, pour relaps. En outre, deux des quatre défenseurs élus (pour représenter les plus de 500) par les Templiers disparaissent.

Le procès des Templiers

La défense des Templiers a pris un coup important. En outre, dans le bras de fer qui l'oppose à Philippe le Bel, Clément V faiblit et commence à se ranger aux arguments du roi de France. Il ordonne la tenue d'un concile à Vienne en Isère, qui doit statuer sur le devenir de l'Ordre. Il s'ouvre le 16 octobre 1311. Philippe le Bel y vient escorté par une forte troupe. Le 22 mars 1312, le pape fulmine (édicte) la bulle (décret pontifical) Vox in excelsio, qui abolit l'ordre du Temple. Elle n'est rendue publique que le 3 avril : le pape y avoue qu'il n'existe rien qui puisse valoir une condamnation canonique aux Templiers mais que l'ordre est déshonoré et qu'en conséquence, il doit être dissous. Il fulmine par ailleurs la bulle Ad providam, le 2 mai suivant, qui attribue les biens du Temple aux Hospitaliers, sauf ceux de l'Espagne et du Portugal, où deux ordres naquirent des cendres de l'ordre du Temple, l'ordre de Montesa et l'ordre du Christ. La bulle Considérantes dudum du 6 mai 1312, quant à elle, détermine le sort des hommes. Ceux ayant avoué ou ayant été déclarés innocents se verraient attribuer une rente et pourraient vivre dans un édifice appartenant à l'ordre alors que tous ceux ayant nié ou s'étant rétractés subiraient un sévère châtiment (la peine de mort).

Clément V nomme une nouvelle commission devant juger Jaques de Molay et trois dignitaires de l'Ordre : Hugues de Pairaud, maître de France, Geoffroy de Gonneville, maître d'Aquitaine et Poitou, et Geoffroy de Charnay, maître de Normandie. Le 18 mars 1314, devant la cathédrale de Notre-Dame de Paris, les accusés sont amenés devant leurs juges afin d'entendre le verdict du procès : la prison à vie. De Molay et de Charnay provoquent la stupéfaction en clamant haut et fort leur innocence et celle du Temple. Les deux hommes sont alors condamnés comme relaps au bûcher. Il est dressé sur l'île aux Juifs le jour même. Et, alors que les flammes commencent à le lécher, le dernier grand maître de l'Ordre des Templiers lance la malédiction que l'on sait avant de trépasser.

Les Templiers viennent de disparaître, leur légende vient de naître.
Les Templiers sur le bûcher

Pape Clément ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à comparaître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu'à la treizième génération de vos races !
 

Sources : Tout sur l'Histoire n°11 Mars avril 2016
http://www.cropsciences.org/images/PDF/Les Templiers.pdf



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