Le culte de Ku

Culte de Ku
d'après Kenneth Grant

Une curieuse société occulte de Chine, connue sous le nom de Culte de Ku, a été créée à Londres dans les années 1920. Son quartier général était peut-être à Pékin. Sa ramification à Londres n'était pas à Limehouse (quartier chinois de Londres), comme on pouvait s'y attendre, mais à Stockwell, non loin d'un studio partagé en colocation par Austin Osman Spare avec un ami.

Spare a assisté à une séance secrète du culte du Ku. Il semble avoir été le seul Européen à avoir été admis. C'est un aspect très peu connu de la vie de Spare, un aspect qui se rattache à son amitié avec Thomas Burke. Spare n'en dit pas plus au sujet de l'emplacement du quartier général de cette organisation, peut-être ne le savait-il pas. En fait, il semble qu'il ait été le seul Européen, à part Burke, qui ait entendu parler de ce culte.

L'expérience de Spare présente un intérêt exceptionnel en raison de son rapprochement étroit avec une forme de contrôle du rêve dans lequel il a été initié plusieurs années auparavant par la sorcière Paterson.
 

Le culte de la déesse serpent

Le mot Ku a plusieurs significations en chinois, mais dans ce cas particulier, il désigne une forme particulière de sorcellerie impliquant des éléments que Spare avait déjà incorporés dans sa conception de la nouvelle sexualité. Les adeptes du Ku vénèrent une déesse serpent sous la forme d'une femme dédiée au culte. Au cours d'un rituel élaboré, elle deviendrait possédée, de sorte qu'il émanerai de multiples formes de la déesse en tant qu'ombres sensibles dotées de tous les charmes possédés par sa représentante humaine.

Ces femmes-ombres, poussées par une loi d'attraction subtile, gravitent autour de l'un ou l'autre des dévots qui sont assis dans un état d'assoupissement autour de la prêtresse. Une communion sexuelle avec ces ombres se produit alors et c'est le début d'une forme sinistre de contrôle des rêves impliquant des voyages et des rencontres dans des régions infernales. Tout un programme !

Le Ku semblerait être une forme de Serpent de Feu extériorisé comme une femme-ombre ou un succube, ce qui a permis au fidèle de réifier son « rêve inhérent ». Elle est connue comme la « putain de l'enfer » et sa fonction est analogue à celle du culte de la Femme écarlate de Crowley, de la Suvasini du Cercle Kaula Tantrique et de la Fiendess du Culte de la Couleuvre Noire. Le Ku chinois, ou la prostituée de l'enfer, est une incarnation obscure des désirs subconscients (l'enfer est un lieu caché symbolisant le subconscient ; la région "infernale") concentrés dans la forme sensuellement attirante du Serpent de la Déesse d'Ombre.

Le contrôle des rêves par l'intermédiaires des sigils

Les mécanismes du contrôle du rêve sont à bien des égards similaires à ceux qui produisent une projection astrale consciente. Les principaux systèmes de contrôle des rêves proviennent de deux sources :

- la formule de la lucidité Eroto-Comatose découverte par Ida Nellidoff et adaptée par Crowley à ses techniques de sex-magick,
- le système de « Sentient Sigils » de Spare (littéralement les « sceaux sensibles »).

Le sommeil devrait être précédé par une forme quelconque de Karezza (vide mental) au cours de laquelle un sigil spécialement choisi et symbolisant l'objet désiré est visualisé de manière vivante. De cette manière, la libido se nourrit de ses fantasmes naturels et cherche la satisfaction dans le monde du rêve. Lorsque le talent est acquis, le rêve sera extrêmement intense et dominé par un succube, ou une femme-ombre, avec laquelle les rapports sexuels se produisent spontanément. Si le rêveur a acquis une maîtrise, même modérée, de cette technique, il sera conscient de la présence continue du sigil. Il devrait alors faire le lien avec la forme du succube avec quelque chose qui est à portée de sa vision pendant la copulation, comme par exemple un pendentif suspendu à son cou; comme des boucles d'oreille; ou comme un diadème autour de son front. Le magicien doit déterminer son lieu d’action en fonction de la position qu’il adopte lors du coït. L'acte prendra alors toutes les caractéristiques d'un rituel de neuvième degré car la présence de la femme-ombre sera ressentie avec une vive intensité et avec une extrême clarté de vision. Le sceau devient ainsi sensible et, en temps voulu, l'objet du travail se matérialise sur le plan physique. Cet objet est bien sûr déterminé par le désir incarné et représenté par le sigil.

L'innovation importante dans ce système de contrôle des rêves réside dans le transfert du Sigil de l'état de conscience éveillé à l'état de rêve et de l'évocation, dans ce dernier état, de la femme Ombre. Ce processus transforme un rite de huitième degré en similitude de l'acte sexuel utilisé dans les travaux du neuvième degré.

Résumé de la formule magique pour ceux qui n'ont pas compris

En bref, la formule comporte trois étapes distinctes :

1. Karezza, ou activité sexuelle sans calcul, avec visualisation du Sigil jusqu'à ce que le sommeil survienne.
2. Rapport sexuel dans l'état de rêve avec la femme ombre évoquée par l'étape 1. Le Sigil devrait apparaître automatiquement à cette seconde étape; si ce n'est pas le cas, la pratique doit être répétée à un autre moment. Si c'est le cas, le résultat souhaité sera matérialisé dans cette étape.
3. Après : le réveil (c'est-à-dire dans le monde banal des phénomènes quotidiens).

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Le célibat n'est nullement indispensable pour réussir

Un mot d'explication est peut-être nécessaire concernant le terme Karezza tel qu'il est utilisé dans le présent contexte. La rétention de la semence est un concept d'une importance capitale dans certaines pratiques tantriques, l'idée étant que le bindu (graine) se reproduit alors astralement et non physiquement. En d'autres termes, une entité quelconque est amenée à naître aux niveaux astraux de la conscience. Ceci, et des techniques analogues, ont donné l’impression, tout à fait erronée, que le célibat est une condition sine qua non du succès magique; mais un tel célibat est d'un caractère purement local et limité au seul plan physique ou à l'état de veille. Le célibat, comme on le comprend généralement, est donc une parodie ou un simulacre dénué de sens de la vraie formule.

Telle est la logique initiée du célibat tantrique, et une telle interprétation s’applique sans doute aussi à d’autres formes d’ascétisme religieux. Les « tentations » des saints se sont produites sur le plan astral précisément parce que les canaux physiques avaient été délibérément bloqués. L'état de somnolence observé chez les fidèles du Ku suggère que le jeu de l'ombre qui a suivi a été évoqué d'une manière similaire à celle obtenue par une espèce de contrôle du rêve.

La découverte scientifique de l'énergie psycho-sexuelle

Gerald Massey, Aleister Crowley, Austin Spare et Dion Fortune ont tous démontré la base biochimique des Mystères. Ils ont atteint dans le domaine de l'occultisme ce que Wilhelm Reich a atteint pour la psychologie et l'ont établi sur une base biochimique sûre.

Les « symboles sensibles » et « l'alphabet du désir » de Spare, en corrélation avec les marmas du corps avec les principes sexuels spécifiques, anticipaient à plusieurs égards le travail de Reich qui découvrit, entre 1936 et 1939, le véhicule de l'énergie psycho-sexuelle, qu'il nomma l'orgone. La contribution singulière de Reich à la psychologie et, accessoirement, à l'occultisme occidental réside dans le fait qu'il a réussi à isoler la libido et à démontrer son existence en tant qu'énergie biologique tangible. Cette énergie, la substance même des concepts purement hypothétiques de Freud, a été mesurée par Reich, retirée de la catégorie des hypothèses et matérialisée.

Il avait cependant tort de supposer que l'orgone soit l'énergie ultime. C'est l'un des kalas les plus importants, mais pas le kala suprême (mahakala), bien qu'il puisse devenir tel en vertu d'un processus qui n'est pas inconnu des adeptes du tantrisme du Varma Marg. Jusqu'à une époque relativement récente, il était connu en Occident des alchimistes arabes et dans tout le corpus de la littérature alchimique, avec sa terminologie tortueuse et son style hiéroglyphique. Ce processus révèle – s'il révèle quelque chose – un dispositif délibéré de la part des Initiés à se voiler le véritable processus de libération du Mahakala.

La découverte de Reich est significative car il a probablement été le premier scientifique à placer la psychologie sur une base biologique solide et à démontrer, en laboratoire, l'existence d'une énergie magique tangible enfin mesurable et donc strictement scientifique. Que cette énergie soit appelée la lumière astrale (chez Eliphas Levi), l'élan vital (chez Bergson), la Force Odic (chez Reichenbach), la libido (chez Freud), Reich était le premier, à l'exception peut-être de Reichenbach, à l'isoler et à en démontrer ses propriétés.

De l'énergie cosmique à l'alphabet du désir

Austin Spare soupçonnait, dès 1913, qu'une telle énergie était le facteur de base de la réactivation des atavismes primaires, et il la traita comme de l'énergie cosmique (le « Je Atmosphérique ») sensible à la suggestion subconsciente par l'intermédiaire des Symboles Sensibles et à travers l'application du corps (Zos) de telle manière qu'il puisse réifier les atavismes éloignés et toutes les formes futures possibles.

Pendant ce temps où il était préoccupé par ces thèmes, Spare rêvait à plusieurs reprises de bâtiments fantastiques dont il jugeait impossible de noter les alignements au réveil. Il les supposait être des accumulations d'une future géométrie de l'espace-temps sans relation connue avec les formes d'architecture actuelles. Eliphas Levi a revendiqué un pouvoir de réification similaire pour la « lumière astrale », mais il n'a pas réussi à montrer la manière précise de sa manipulation. C'est à cette fin que Spare a élaboré son Alphabet du Désir, dont chaque lettre se rapporte à un principe sexuel.

Il a noté certaines correspondances entre les mouvements intérieurs de l'impulsion sexuelle et la forme extérieure de sa manifestation sous forme de symboles, de sceaux ou de lettres rendues sensibles par son énergie. Dali se réfère à des formes fétiches chargées de magie comme des « accommodements du désir » qui sont visualisés comme des vides ténébreux, des vides noirs, chacun ayant la forme de l'objet fantomatique qui habite sa latence, et qui n'est qu'en vertu du fait qu'il n'est pas. Cela indique que l'origine de la manifestation est la non-manifestation, et il est évident pour l'appréhension intuitive que l'orgone de Reich, le "moi" atmosphérique d'Austin Spare et les délinéations daliniennes des « accommodements du désir » sont une énergie identique se manifestant par la mécanique du désir. Le désir, la volonté énergétique et l'obsession sont les clés d'une manifestation illimitée, car toute forme et tout pouvoir sont latents dans le vide et sa forme divine est la « posture de la mort ».

Retrouver le culte originel

Ces théories ont leurs racines dans des pratiques très anciennes, dont certaines, sous une forme déformée, ont servi de base au culte des sorcières médiévales, dont les convives ont prospéré en Nouvelle-Angleterre lors des procès de sorcières de Salem à la fin du XVIIe siècle. Les persécutions qui ont suivi ont apparemment effacé toutes les manifestations extérieures du véritable culte et de ses contrefaçons dégradées.

Les principaux symboles du culte originel ont survécu au passage des longs cycles du temps. Ils suggèrent tous le chemin du retour : Le sabbat sacré pour Sevekh ou Sebt, le nombre sept, la lune, le chat, le chacal, le hyène, le cochon, la couleuvre noire et d'autres animaux considérés comme impurs par les traditions ultérieures; la danse Widdershins et Back-to-Back, le baiser anal, le nombre Treize, la sorcière montée sur la poignée de porte, la chauve-souris et d'autres formes de créatures nocturnes palmées ou ailées; la Batrachia en général, dont le crapaud, la grenouille ou le Hekt étaient prééminents.

Ces symboles et d'autres similaires caractérisaient à l'origine la tradition draconienne, dégradée par les pseudo-sorcières pendant des siècles de persécution chrétienne. Les mystères ont été profanés et les rites sacrés ont été condamnés comme étant antichrétiens. Le Culte devint ainsi le dépositaire de rites et de symboles religieux inversés et pervertis n'ayant aucune signification intérieure; de simples affirmations de l'engagement total des sorcières envers la doctrine antichrétienne alors que, à l'origine, elles étaient des emblèmes vivants, des symboles sensibles, de la foi anté-chrétienne.

Lorsque la signification occulte des symboles primaux est atteinte au niveau draconien, le système de sorcellerie que Spare a développé par contact avec la « sorcière » Paterson devient explicable et tous les cercles magiques, sorcelleries et cultes sont considérés comme des manifestations de l'ombre.

Ceci nous ramène au mythe de Hécate, la déesse de la Magie, de la Nuit, de la Lune, des fantômes et de la Nécromancie. Elle connaissait les principes de la transformation du noir au clair, comme le têtard des mares se transformant en la grenouille de la terre ferme, comme la lune sombre et maléfique de la sorcellerie en l'orbe lumineux du rayonnement et de l'enchantement magique, comme la Sorcière Paterson se changeant de vieille harpie en vierge devant les yeux émerveillés de Spare.


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