L'origine des espèces

Espèce de démon
Charles Darwin présente la théorie scientifique de l'évolution des espèces vivantes dans un ouvrage scientifique de 1859 intitulé « L'origine des espèces ». Selon lui les espèces ont évolué à partir d'autres espèces, généralement éteintes, au moyen de la sélection naturelle. Mais nous n'allons pas parler ici de ce genre d'espèces... Le sujet de cet article concerne les espèces de démons.

Au début des temps, des hordes invisibles traversaient l'univers plus rapidement que la vitesse de la lumière. Dans ce monde, chaque arbre, lac, rocher, mur et rivière avait une puissance intrinsèque, et tout changement anormal de météo, de fortune ou de santé était attribué à des agents invisibles de collectifs ténébreux et anonymes. C’est ainsi l’origine de nombreuses espèces occidentales de démons qui se focalisent lentement. Le démon reste anonyme et hautement chargé en énergie quantique, toujours présente, au-delà de la compréhension humaine. Il incarne les forces causales du bien et du mal.

 

Les démons intérieurs et le destin

Daimon grec
Dans la Grèce antique, Hésiode se réfère à d'innombrables daimons invisibles de deux types généraux : les daimons du culte des héros (devenus les héros de l'âge d'or après leur mort) qui agissent comme des esprits gardiens, et les autres daimons, des esprits maléfiques qui peuvent causer du tort ou la maladie. Il existe une ambivalence concernant la nature des espèces : elles peuvent agir pour le meilleur ou pour le pire, mais dans les deux cas, leur effet est puissant.

Dans l'Odyssée d'Homère, le daimon est vu comme cette force surnaturelle (mais pas comme l'un des dieux, tel Zeus ou Athéna) qui intervient dans des moments étranges et surnaturels. Ce sont eux qui produisent une vision soudaine, une inspiration sauvage, un comportement particulier ou des événements incompréhensibles. Ces moments fatidiques (car ils sont toujours très importants !) relient vaguement le daimon au destin lui-même. Cette notion évolue vers le concept que chaque personne abrite son propre daimon.

Dans Horace, le daimon devient le « compagnon qui gouverne l'étoile de la naissance, le dieu de la nature humaine, mortel en chaque homme » et est inextricablement lié au destin.
 

Naissance d'une espèce démoniaque entre dieux et humains

Dans son symposium, c'est Platon qui classe et établit définitivement la fonction de l'espèce démoniaque : le Daimon est un esprit intermédiaire, décrit comme n'étant ni un dieu ni un mortel, mais quelque chose entre les deux.

Mais comment en est-il arrivé à cette conclusion ?

Les dieux n'avaient aucun contact direct avec les mortels et ce n'est que par l'intermédiaire des Daimons que les relations entre dieux et humains sont devenues possibles. C'est le Daimon qui porte les prières de l'homme aux dieux et la volonté des dieux aux mortels. Le Daimon lui-même continue à exprimer une nature mercurielle. Soumis aux passions et à l’impulsivité, il est connu pour voler hors du contrôle et pour devenir si enragé qu’il doit faire l’objet d'apaisements et de sacrifices. Mais les dieux de cette époque aussi. Ce Daimon est un médiateur ; une créature à mi-chemin qui vit dans le fossé entre le Divin et le mortel.

Le fossé se creuse pour devenir un gouffre alors qu'une vision pessimiste de ce monde mortel s'installe comme un brouillard au dessus du sol. Au cours des prochains siècles, nous assisterons à un changement radical du statut de démon. À partir du quatrième siècle avant notre ère, après qu'Alexandre eut modifié la géographie de la Grèce en ajoutant un vaste territoire conquis, les frontières se sont élargies et les villages sont devenus urbains et les habitants ne connaissaient plus leurs voisins. Pour beaucoup, un sentiment d'aliénation s'est installé. Tous semblaient avoir été abandonnés par la chance et laissés à l'abandon d'eux-mêmes. Des divinations et des pratiques magiques se sont multipliées pour apaiser un public de plus en plus inquiet.

Nous commençons alors à assister à une dégradation importante de la croyance en la sacralité de la vie terrestre alors que le monde antique était considéré comme « sublunaire ». Les anciens dieux ont fui pour « des endroits plus élevés » et sans eux, il faisait plus sombre ici-bas. L'idée a pris racine qu'il y avait peut-être un démiurge inférieur (un démon sombre, qu'il soit un ange révolté ou une impulsion totalement maléfique) qui était le créateur de ce monde actuel, si complètement isolé, semble-t-il, du ciel.

La descente aux abîmes des démons

Cette division entre les domaines spirituel et matériel devint de plus en plus grande au cours du siècle suivant. Un gouffre radicalement dualiste s’est largement ouvert. De nouveaux systèmes religieux venus d'Orient et certains Cultes des Mystères sont entrés dans la pensée de la Grèce et de la Rome antique, accompagnant la migration des peuples.

Au premier siècle, une ère de syncrétisme a commencé. Cela a eu un effet négatif sur le Daimon. Au fur et à mesure que le christianisme se répandait, tous les esprits païens étaient diabolisés et emmenés dans de nouvelles demeures ; désormais, les anges ont hérité de la fonction de médiateur du Daimon et on commencé à tourner allègrement autour de l'ancien royaume démoniaque. L'ange devenait le nouvel esprit intermédiaire, il devait donc devenir moins distant, plus accessible et il souriait gentiment alors que l'ancien démon sombrait dans de nouveaux creux et tombait, abasourdi et couvert de suie, dans un abîme souterrain. Cette époque était calamiteuse pour les esprits démoniaques du monde occidental.

John Milton a écrit en 1629 son célèbre poème « Le matin de la Nativité du Christ » qui parle de cette époque. Le poème décrit l'Incarnation du Christ et le renversement des pouvoirs terrestres et païens. Le poème relie également l'Incarnation à la crucifixion du Christ. Voici un extrait du verset qui a sonné le glas de la mort pour de nombreuses divinités antiques :

The Oracles are dumm,
No voice or hideous humm
Runs through the arched roof in words deceiving.
Apollo from his shrine
Can no more divine,
With hollow shreik the steep of Delphos leaving.
No nightly trance, or breathed spell,
Inspire's the pale-ey'd Priest from the prophetic cell
The lonely mountains o're,
And the resounding shore,
A voice of weeping heard, and loud lament;
From haunted spring, and dale
Edg'd with poplar pale.
The parting Genius is with sighing sent,
With flowered-inwoven tresses torn
The Nymphs in twilight shade of tangled thickets mourn.

Traduction libre :

Les oracles sont muets,
Nulle voix ni râle hideux
Ne ricochent sur la voûte du toit en paroles trompeuses.
Apollon, de son sanctuaire,
Ne peut plus prophétiser
Avec des cris sourds dévalant les flancs de Delphes.
Point de transe nocturne, ni de sort murmuré
N'inspire le prêtre aveugle du fond sa cellule prophétique.
De part les montagnes isolées,
Et les rivages, résonnent
Une voix de pleurs, et de profondes lamentations;
Du printemps hanté et de la vallée bordée de peupliers blancs
Le génie de séparation est envoyé avec un soupir,
Avec leurs couronnes de fleurs tressées déchirées
Les Nymphes pleurent dans la pénombre crépusculaire des fourrés enchevêtrés.
The Oracles are dumm,
No voice or hideous humm
Runs through the arched roof in words deceiving.
Apollo from his shrine
Can no more divine,
With hollow shreik the steep of Delphos leaving.
No nightly trance, or breathed spell,
Inspire's the pale-ey'd Priest from the prophetic cell
The lonely mountains o're,
And the resounding shore,
A voice of weeping heard, and loud lament;
From haunted spring, and dale
Edg'd with poplar pale.
The parting Genius is with sighing sent,
With flowered-inwoven tresses torn
The Nymphs in twilight shade of tangled thickets mourn.

Traduction libre :

Les oracles sont muets,
Nulle voix ni râle hideux
Ne ricochent sur la voûte du toit en paroles trompeuses.
Apollon, de son sanctuaire,
Ne peut plus prophétiser
Avec des cris sourds dévalant les flancs de Delphes.
Point de transe nocturne, ni de sort murmuré
N'inspire le prêtre aveugle du fond sa cellule prophétique.
De part les montagnes isolées,
Et les rivages, résonnent
Une voix de pleurs, et de profondes lamentations;
Du printemps hanté et de la vallée bordée de peupliers blancs
Le génie de séparation est envoyé avec un soupir,
Avec leurs couronnes de fleurs tressées déchirées
Les Nymphes pleurent dans la pénombre crépusculaire des fourrés enchevêtrés.

Les démons dans le judaïsme

Le judaïsme n'a jamais officiellement reconnu les démons, mais plusieurs espèces étaient très populaires dans le folklore juif et appelées shedim, seirim ou mazzikin. Ils ont fait sujet de beaucoup de discussions, et de la Hagigah (un traité du Talmud Babylonien) vient cette description :

Six choses ont été dites sur les démons : ils sont comme des anges en trois points, mais ressemblent à des hommes en trois autres. Comme des anges, ils ont des ailes et sont capables de voler d'un bout du monde à l'autre, et connaître le futur... Comme les hommes, les démons doivent se nourrir, peuvent se marier, engendrer des enfants et finalement mourir.

Les Shedim étaient des démons (empruntés à des voisins des anciens Israélites) à qui d'autres peuples ont consenti des sacrifices. Dans Deutéronome (32:17), il est recommandé de ne pas emprunter la pratique suivante :

Ils n'offriront plus aucun sacrifice à des idoles qui ne sont pas Dieu, à des dieux qu'ils ne connaissaient point.
 

Dans Lévitique (17:7), les seirim (poilus), satyres, esprits caprins, sont clairement mentionnés comme objets de culte interdits. Ces interdictions indiquent généralement que les coutumes contraires étaient populaires.

Une source juive a raconté que les démons avaient été créés le sixième jour de la création, alors que le Seigneur produisait de nombreuses créatures, mais il a été interrompu à l'approche de la veille du sabbat et n'a donc pas eu le temps de donner à toutes ses créations une âme. Une autre source juive a prétendu qu'une race démoniaque existait bien avant l'humanité et qu'elle est devenue tellement arrogante que les humains ont finalement été créés pour la remplacer. L'ancienne race a été abandonnée à son sort. La notion de démon en tant que frère aîné qui a précédé l’humanité se retrouve dans le folklore et le mythe de nombreuses traditions. Il est dit, pour expliquer leur attitude et leur sens de revendication sur la propriété antérieure, qu'ils s'attendent ainsi à des dîmes ou des sacrifices d'usurpateurs mortels.

Les esprits de l'Inde

Représentation d'un démon en Inde
Pendant ce temps, en Inde, des esprits anciens étaient ailés, frôlant le même pouvoir que leurs frères et sœurs. Ils étaient tous de brillants métamorphes qui partageaient le pouvoir de créer une illusion (maya). Leurs luttes étaient une sorte de rivalité reconnaissable entre frères et sœurs pour le même territoire connu de tant de familles humaines. Même le mot asura, qui voulait dire anti-dieu dans la mythologie védique primitive, signifiait "dieux". Mais les devas (dieux) et les asuras se sont mené bataille jusqu'à ce qu'un incident majeur divise les esprits pour toujours.

Le mythe dit que les dieux et les asuras travaillaient ensemble pour brouiller l'océan cosmique et produire l'élixir d'immortalité lorsque Vishnu apparaît sous la forme d'une tortue avec la montagne du monde sur son dos enveloppée dans le serpent du monde. Les dieux ont attrapé la queue du serpent et les asuras sa tête. Lorsque l'Elixir était prêt, le serpent crachait du venin sur les démons, les aveuglant temporairement pendant que les dieux buvaient ce breuvage. Dans une autre version, il est dit que Vishnu est apparu déguisé en tentatrice et que les asuras, influencés par leur nature légèrement « inférieure », étaient tellement distraits par cette illusion sexy qu'ils n'ont même pas remarqué que l'élixir avait disparu.

En tout cas, dans l'hindouisme, les asuras ont perdu leur statut d'immortel, mais ont conservé une longévité éternelle. Dès lors, les asuras, semi-divins, à la nature impropre aux anges, sont devenus leurs adversaires et sont entré en guerre contre les anges. Un peu gourmand, trop lubrique et envieux, trop "humain" pour voler éternellement, les asuras fournissent l'action. Sur terre, ils deviennent les espèces guides des Rakshasas et incluent les formidables Kavana et Mahisha-Asura. Mais aucun ne reste radicalement mauvais. Ils se transforment souvent d’une vie à l’autre et peuvent renaître en tant que saints êtres humains. Dans la tradition indienne, tous les démons naissent avec les germes de leur propre destruction, mis en place par leur propre action, et ils finiront inévitablement par leurs propres actions.
 

Les démons de l'Asie de l'est

Démon chinois
Plus à l'est de l'Asie, nous voyons le pouvoir démoniaque comme l'aspect courroucé ou terrible d'une divinité, destiné à diverses utilisations. Dans le bouddhisme, le démon était essentiellement considéré comme un obstacle aux Lumières. Différentes techniques et méthodes ont été pratiquées pour le vaincre. Dans le bouddhisme tibétain, nous voyons comment "l'arme" de la compassion peut complètement transformer un démon. Impuissants dans le champ de force de l'amour et de la compassion, ils se fondent, disparaissent vraiment et laissent un paysage vide et lumineux à leur place.

En Chine, le symbole du yin et du yang montre un peu de lumière s'étendant dans l'obscurité et un peu d'obscurité dans la lumière, le tout dans un cercle complet d'Unité inextricable. Les caractères originaux du yin et du yang étaient le côté ombragé et lumineux d'un sommet de montagne. Cela indique au voyageur que le terrain spirituel et matériel de cette vision du monde est inséparable.

Les Chinois gui (les personnes décédées qui ne deviennent pas shen) deviennent des démons, des diables et des gobelins qui s'attaquent à l'humanité s'ils ne sont pas nourris et que des vivants ne leur font pas d'offrandes. Ces esprits inquiets ne jettent aucune ombre et servent généralement les dieux qui régissent l'univers et punissent les malfaiteurs. Ils peuvent posséder des humains ou causer des malheurs. Les guides de suicide portent un ruban rouge autour de la gorge et tentent de convaincre les autres de faire de même (et de prendre leur place en enfer).

La tradition chinoise des démons provient d'un mélange de Confucianisme, bouddhisme et taoïsme. Elle est riche et colorée et on la retrouve beaucoup dans les contes taoïstes. Lorsqu'on visite des habitats orientaux, on se trouve dans une réalité onirique en constante transformation, où il n'y a pas de base sûre et où shen, gui, le monde lui-même, peut disparaître instantanément.
 

Les démons dans les cultures populaires

Dans de nombreuses cultures, nous rencontrons des esprits subversifs qui sont créatifs bien qu’anarchiques et inconscients. Ils jouent souvent un rôle important dans les récits de création et nous rappellent l'énergie pure et la brillance novatrice de ces anciennes figures intermédiaires puissantes et qui changent de forme. Ils prolifèrent aux quatre coins du monde, pratiquant des spécialités qui rendent compte de toutes les envies, passions, impulsions, ambitions humaines. Le démon plane près de chaque occasion spéciale de la vie, et il apparaît à chaque frontière où nous pouvons traverser trop dangereusement près du royaume du Divin.

Les démons attendent de nous faire trébucher à la naissance, aux mariages, à la mort, à la construction de maisons, quand on part en voyage, d’avoir trop de chance (du genre qui incite à l’envie), ou lorsqu’on rapporte mauvaise fortune. Ils sont toujours présents et non invités. Naturellement, on a produit des océans de conseils sur la manière de les éviter, de les conjurer, de les contrôler ou de les apprivoiser, de les exorciser, de les débarrasser de sa maison ou de son esprit. Pourtant, dans le monde entier, ils sont toujours là, tapis dans l'ombre.



Retour à la catégorie : Esotérisme (suite 5)