L'origine des pratiques goétiques

Pratiques goétiques
Les philosophes Plotin, Porphyre et Jamblique définissent la goétie comme étant l'art d'évoquer les esprits infernaux pour porter la désolation parmi les hommes. Mais on peut embrasser sous cette dénomination tout ce qui se rattache à l'art chimérique des magiciens de tous les âges, de tous les peuples, ces espèces de fous ou de gens mal intentionnés qui prétendaient tenir leur savoir et leur pouvoir d'une puissance occulte ou démoniaque.

En compulsant les annales des superstitions humaines, on rencontre sur tous les points de la planète cette classe de personnages, d'illuminés et parfois d'imposteurs, dont les pratiques mystérieuses, bizarres, quelquefois infâmes, venaient s'imposaient au vulgaire ignorant. Selon les époques et les peuples, la dénomination de ces magiciens change, mais les pratiques et le but final sont constamment les mêmes : inspirer la crainte et la terreur, tromper le peuple pour s'enrichir personnellement, dominer les hommes pour les conduire à l'esclavage en les abrutissant.

 

Déroulement d'un rite goétique

Epouvante
C'est pendant les nuits profondes et orageuses, dans les lieux retirés auxquels s'attachent d'effrayants souvenirs, que les goétiens opèrent leurs incantations diaboliques. Ils s'entourent d'un appareil lugubre, propre à inspirer la terreur du profane, et poussent des cris lamentables. L'origine du mot « goétie » provient d'ailleurs du grec ancien « goêteía  » qui signifiait « incantation magique ». Les pratiquants violent les tombeaux pour s'emparer des cadavres et fouillent dans leurs viscères en décomposition pour y prendre les ingrédients qui entrent dans la composition de leurs charmes et de leurs potions maléfiques. Ils se servent d'herbes vénéneuses, de substances plus on moins dégoûtantes telles que la bave de crapaud, et vont même jusqu'à égorger des enfants dont le sang innocent donne soi-disant plus de force à leurs incantations. Toutes ces pratiques cérémonielles ressemblent beaucoup au rituel des messes noires qui deviendront populaires quelques siècles plus tard.

Les adeptes de la goétie ne se contentent pas d'invoquer les entités démoniaques. On leur suppose le pouvoir de jeter des sorts sur les hommes et les animaux, de les frapper de maladies ou de mort, d'intervertir l'ordre de la nature, de bouleverser les éléments, les saisons, d'intercepter ou de refroidir les rayons du soleil, de faire sécher sur pied les moissons, de s'opposer à la maturité des fruits, etc., etc., etc.
 

Où placer le berceau de cette magie noire ?

Au premier abord, nous pensons que cette magie a pu se développer isolément au sein de toutes les sociétés, par la simple raison qu'il y a toujours eut des ambitieux, d'adroits jongleurs et des gens superstitieux, autrement dit des fripons et des dupes. Mais cette analyse un peu simpliste tombe rapidement à l'eau quand on s'adonne à une véritable étude scientifique de la goétie. Le consentement unanime des peuples à se faire manipuler et opprimer n'est pas une preuve infaillible et suffisante de la vérité. Les croyances générales en la magie et en la sorcellerie sont universelles et les sorciers sont profondément redoutés. On craint leur approche et on satisfait à leurs exigences dans la crainte d'encourir leur colère.

Des recherches historiques nous apprennent que, parmi les anciens peuples, les Chaldéens s'adonnaient particulièrement à la goétie et à l'hémantomancie ; les Égyptiens l'apprirent d'eux et, en peu de temps, devinrent fort habiles dans l'art des évocations et des incantations. Esclaves des Égyptiens, les Hébreux reçurent des leçons de goétie de leurs maîtres, et bientôt cette magie fit de tels progrès parmi le peuple d'Israël, que Moïse, effrayé de son extension et pour en arrêter les progrès, ordonna qu'on lapidât hommes et femmes qui se livreraient à cet abominable métier.

Au temps des Grecs et des Romains

Méduse - Mythologie grecque
La Grèce, l'Italie et les Gaules reçurent de l'Égypte leurs sciences, leurs arts, leur religion, et par conséquent les superstitions qui y étaient attachées. C'est en Grèce que l'art divinatoire fit le plus de progrès ; le nombre des oracles, des devins, des pythies et des magiciennes fut réellement prodigieux. On croyait alors que certains hommes privilégiés pouvaient faire violence aux dieux et que le mortel pouvait châtier l'idole qui refuse d'exaucer sa prière ou tout simplement le contraindre.

Consultez notre article sur : Les oracles de la Grèce antique

 
Lorsque les divinations apportaient de sinistres augures, les Grecs pouvaient alors pratiquer des sacrifices pour contraindre les dieux à leur être favorables. Les Orphiques prétendaient qu'on pouvait non seulement obtenir du ciel le pardon de tous ses crimes, mais également contraindre les immortels aux volontés humaines. La même croyance existait chez les Romains : Pline, Tite-Live et Denys d'Halicarnasse ont transmis plusieurs anecdotes qui prouvent que les décrets divins pouvaient être changés où éludés par le savoir-faire des prêtres goétiques. La ruse d'un augure avait le pouvoir d'arrêter ou de changer la volonté des dieux; c'est ce que Pline démontre, en représentant Jupiter contraint, par les conjurations puissantes de Picus et de Faune, à quitter l'Olympe pour venir sur terre enseigner à Numa Pompilius l'art des prodiges. Dans Lucain et Stace, on trouve des menaces adressées aux mânes pour accélérer leur obéissance. Sous le règne de l'empereur Julien, Chrysanthe et Maxime sont invités par ce prince à se rendre à sa cour ; mais, comme ils ne rencontrent que des présages sinistres, obligeons, disent-ils, obligeons les dieux à vouloir ce que nous voulons; et ils recommencent les opérations théurgiques. Ces idées étaient tellement enracinées dans l'ancienne civilisation, que les hommes les plus éminents y croyaient de bonne foi.
 

Chez les autres peuples

La persuasion que la volonté des dieux pouvait être brisée par l'énergique volonté de certains hommes se trouve aussi chez les Perses, les Gaulois, les Germains, les Celtes, les Armoricains et tant d'autres anciens peuples. Les druides se servaient de paroles magiques pour se rendre invulnérables; pour arrêter les progrès d'un incendie, pour exciter ou calmer les tempêtes, pour troubler la raison de leurs ennemis. Les drottes, ou magiciens de l'Armorique, prétendaient ressusciter les morts au moyen de paroles mystérieuses ; c'était très certainement de la goétie. Ils assuraient pouvoir donner ou guérir toutes sortes de maladies. On trouve dans l'Havamaal scandinave ce curieux passage :

 Je sais des paroles que nul enfant des hommes ne connaît ;
des paroles qui chassent la plainte, les souffrances et les chagrins.
J'en sais qui émoussent le tranchant des armes,
qui brisent les plus fortes chaînes,
qui apaisent l'orage et ramènent la sérénité au ciel;
j'arrête les vents qui poussent les nuages,
et d'un regard je puis calmer la mer irritée.
Quand je trace des caractères sacrés,
les habitants des tombeaux se réveillent et viennent à moi.
Si je répands de l'eau sur l'enfant nouveau-né,
le fer ne peut plus rien contre lui.
Je dévoile la nature des dieux,
des génies et des hommes;
j'éveille le désir dans les cœur de la vierge la plus chaste ;
je sais inspirer l'amour ou la haine ;
rendre les femmes fécondes ou stériles ;
je puis redoubler ou abattre le courage des guerriers....

 


Chez les peuples du Latium, les augures prétendaient aussi, en se servant de paroles magiques, pouvoir enchaîner les vents, calmer la tempête, diriger la foudre, enlever aux serpents leur venin, et, ce qui est plus fort, décrocher la lune du firmament pour la faire descendre sur Terre.

Les Scythes avaient aussi leurs magiciens qui opéraient les mêmes prodiges que ceux des autres peuples; néanmoins, il faut le dire à leur louange, ces enchanteurs étaient bien moins nombreux chez eux que chez les autres nations.

Monstre goétique
Si nous remontons les âges, nous voyons, aux temps héroïques de la Grèce, la magicienne Circé composer des breuvages dont le pouvoir métamorphose les compagnons d'Ulysse en animaux immondes; fait allégorique, dont le vrai sens signifie que Circé composait, avec certaines plantes, un breuvage dont l'action sur le cerveau avait pour résultat la suspension momentanée de la raison et de la volonté. Mais ce fut surtout dans l'art des empoisonnements qu'excella cette magicienne. Le premier essai qu'elle fit de ses compositions fut sur son mari, ce qui la rendit si odieuse dans sa contrée, qu'elle se vit forcée de prendre la fuite. Elle changea, dit-on, Scylla en monstre marin, et Picus, roi d'Italie, en pivert.

Ulysse lui-même, plus heureux que ses compagnons, n'échappa aux enchantements de la magicienne qu'au moyen d'une plante nommée moly que Minerve lui avait donnée comme préservatif.

Médée était aussi très savante dans la connaissance des plantes ; elle parvint à rajeunir Éson, ou du moins à prolonger son existence au delà du terme naturel. De même que Circé, elle devint une célèbre empoisonneuse. Euripide lui attribue différents meurtres; entre autres ceux de Créon, d'Absyrte et de Pélias; il l'accuse, en outre, d'avoir empoisonné sa propre fille. L'historien Diodore de Sicile nous dépeint Circé et Médée comme deux goétiennes redoutables, inspirant l'épouvante et l'horreur. Les Romains eurent aussi leurs goétiens et leurs magiciennes taillées sur le modèle de ceux des Grecs, et il n'y avait pas que le vulgaire ignorant qui crût à leur pouvoir : car si Caton, Lucrèce et Cicéron s'en moquaient, Virgile, Ovide, Horace et d'autres poètes semblent y avoir ajouté foi. Horace surtout reproche très amèrement aux magiciennes Hermonide, Sagane et Canidie leurs odieux maléfices. Il fut un moment où les premières têtes de l'empire se montrèrent saisie de cette singulière folie. L'on reproche à Sextus, fils du grand Pompée, d'avoir immolé un enfant dans une de ces horribles incantations. L'empereur Claude eut recours à l'art d'une magicienne pour éteindre la honteuse passion qui s'était allumée dans le sein de son épouse.
 

Les grandes invasions

Les civilisations anciennes, admirables sous d'autres rapports, ne furent point assez fortes pour extirper cet amour du merveilleux, véritable maladie qui sévissait sur la presque totalité des nations. Cependant, on s'aperçoit que pendant la période appelée les beaux temps de Rome, le nombre des magiciens diminuait au fur et à mesure que les esprits s'éclairaient et devenaient moins crédules; malheureusement, l'invasion des barbares et la ruine de l'empire romain arrêtèrent les progrès de la raison humaine; de profondes ténèbres étouffèrent les lumières naissantes; un immense désordre régna de toutes parts.

Ce fut à ces époques, pleines de dévouements sublimes et rouges du sang des martyrs, qu'une lutte terrible s'engagea entre les sectateurs du paganisme et les apôtres d'une religion nouvelle qui devait changer la face de l'humanité. Les uns et les autres firent des choses si extraordinaires, si prodigieuses, qu'on serait tenté de les nier, si l'histoire n'avait établi ces faits d'une manière authentique. Pendant de longs siècles encore, l'ignorance et les superstitions étendirent leur sombre linceul sur les sociétés, et les magiciens, sous le nom de sorciers, recommencèrent leurs tours et leurs étranges folies.



Rituel Goétique par Linda Adair
Rituel Goétique par Linda Adair



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