En tant que
mammifère terrestre, j'ai l'illusion que l'air est mon milieu vital naturel parce qu'immergé dans l'eau, privé d'air, je m'y noierais. Mais ce n’est qu’une illusion. En effet, quand le commandant Cousteau dit que «
nous sommes de l'eau de mer organisée », c'est vrai, littéralement : mon milieu vital, celui où vivent mes centaines de milliards de cellules, — elles-mêmes faites à 95% d'eau —, c'est de l'eau de mer à la concentration saline des mers tropicales au moment où la vie en est sortie. Je suis un aquarium ambulant et cela, mes cellules le savent !
Qui plus est, j'ai vécu mes neuf premiers mois plongé dans le
liquide amniotique, dans la chaude nuit utérine. Dans l'utérus, maman respirait pour moi et le rythme de son souffle remplaçait celui des vagues de la mer que je contemple. L'harmonie avec La Mère s'établit en rassemblant dans une même image trois éléments essentiels : l'eau tiède de l'océan, le souffle épousant les vagues et la
position fœtale.
Même si mon moi conscient l'ignore, mon inconscient ne s'y trompe pas et, peu à peu, l'ambiance de cette époque cruciale de ma vie se recrée, où, dans l'utérus maternel, j'existais sans ego, sans nom, sans nationalité, sans rien posséder mais riche de toutes mes virtualités et pleinement conscient. Citoyen du monde, n'appartenant pas encore au XXIe siècle, j'étais sans âge et ma mère était encore la Mère.