Histoires de loups-garous

Hurlement de loup
La croyance aux loups-garous et aux métamorphoses des hommes en bêtes est très-ancienne : on voit dans la Bible Nabuchodonosor changé en bœuf ; dans Homère, les compagnons d'Ulysse changés en pourceaux ; dans Ovide, Lycaon changé en loup, etc.

On a vu des gens se croire des pots de terre, et s'éloigner des passants pour n'en être pas heurtés. L'immortel Pascal s'imaginait toujours qu'il était sur le bord d'un précipice. Ajax en fureur croyait exterminer les princes grecs en égorgeant un troupeau de moutons, comme Don Quichotte perçait des ailes de moulin à vent en se persuadant qu'il pourfendait des géants.

 

La lycantropie est une maladie

Loup-garou
Ceux qui sont attaqués de la Lycantropie (maladie extrêmement rare aujourd'hui) s'imaginent qu'ils sont des loups, et agissent en conséquence (1). Virgile parle dans une de ses églogues des moyens qu'employaient les bergers pour se changer en loups. Dans l'Incrédulité savante le P. Jacques d'Autun conte qu'un roi de Bulgarie prenait fréquemment la figure d'un loup pour épouvanter ses peuples. Pline fait l'histoire d'un certain Antaeus, dont la race avait le privilège de se transformer en loups et de courir les bois.

On assure aussi qu'en coupant la patte d'un loup-garou, on détruit le charme de sa métamorphose : on le force à redevenir homme ; mais avec la main ou le pied coupé. C'est ce qui arriva à la femme d'un gentilhomme d'Auvergne, qui voulait, sous sa forme de louve, faire violence à un chasseur qui, en se défendant lui abattit la patte droite, et son mari la fit brûler, comme c'était l'usage dans ce temps là (2).

 

Des loup-garous qui mangeaient des enfants

On sait que la qualité distinctive des loups-garous est un grand goût pour la chair fraîche.

Delancre assure qu'ils étranglent les chiens et les enfants ; qu'ils les mangent de bon appétit ; qu'ils marchent à quatre pattes ; et qu'ils hurlent comme de vrais loups, avec de grandes gueules, des yeux étincelants, et des dents crochues.

On poursuivit en justice à Besançon, l'an 1521, trois loups-garous fameux, Pierre Burgot, Michel Verdun, et le Gros-Pierre. Tous trois confessèrent qu'ils s'étaient donnés au diable. Michel Verdun avoua qu'ayant mené Burgot dans un lieu écarté, ils avaient dansé en l'honneur de Lucifer, avec des chandelles vertes à la main ; et, que s'étant ensuite frottés de graisse, ils s'étaient trouvés changés en loups. Dans cet état ils s'accouplaient aux louves avec autant de plaisir qu'ils le faisaient aux femmes, quand ils étaient hommes. Burgot convint qu'il avait tué un jeune garçon avec ses pattes et dents de loup, et qu'il l'allait manger si les paysans ne lui eussent donné la chasse. Michel Verdun confessa qu'il avait tué une jeune fille occupée à cueillir des pois, et que lui et Burgot avaient tué et mangé quatre autre petites paysannes : ils désignaient le temps, le lieu, et l'âge des enfants qu'ils avaient dérobés. Ces malheureux furent condamnés à être brûlés vifs ; et leur histoire fut peinte dans l'église des Jacobins de Poligny. Sur ce tableau remarquable chaque loup avait la patte droite armée d'un couteau de cuisine (3).

Bodin raconte sans rougir qu'en 1542 on vit un matin cent cinquante loups-garous sur une place publique de Constantinople. L'auteur de la Réalité de la Magie et des Apparitions (4) ajoute que ce fait est constaté dans les journaux du temps. Il serait curieux de voir les journaux de la Turquie en 1542. Le même auteur (M. l'abbé Simonnet), qui a pris à tâche de faire en 1819 une compilation digne à peine du 13e siècle, raconte ensuite l'histoire de trois jeunes gens qui estropièrent leurs sœurs et leurs maîtresses, déguisées en louves ; et il dit qu'il a tiré cela d'une chronique de Poitiers : mais cette chronique et cette histoire n'existent que dans le tête de M. Simonnet. Il était inutile de supposer des contes de loups-garous, tandis que l'ouvrage de Nynauld sur la lycantropie en est tout farci.

On les brûlait sur la place publique

Loup-garou
Au reste jusque vers le milieu du XVIIe siècle on voyait partout en Europe des loups-garous, des sorciers et des spectres. Tous les écrivains dévots en parlent avec frémissement. On est tout surpris de trouver dans l'admirable roman de Persiles et Sigismonde, le dernier ouvrage de Cervantès, des îles de loups-garous et des sorcières qui se changent en louves, pour enlever les hommes dont elles sont amoureuses.

On brûlait tous les jours un grand nombre de malheureux hypocondres, accusés de lycantropie ; et les théologiens et dévots se plaignaient continuellement de ce qu'on n'en brûlait pas assez. Delancre propose (5) comme un bel et très juste exemple, un trait qu'il a pris je ne sais où, d'un duc de Russie, lequel, averti qu'un sien sujet se changeait en toutes sortes de bêtes, l'envoya chercher; et, après l'avoir enchaîné, lui commanda de faire une expérience de son art ; ce qu'il fit, se changeant aussitôt en loups. Mais ce duc, ayant préparé deux dogues, les fit élancer contre ce misérable, qui aussitôt fut mis en pièces.

On amena au médecin Pomponace un paysan atteint de lycantropie, qui criait à ses voisins de s'enfuir s'ils ne voulaient pas qu'il les mange. Comme ce pauvre homme n'avait rien de la forme d'un loup les villageois persuadés pourtant qu'il l'était, avaient commencé à l'écorcher pour voir s'il ne portait pas le poil sous la peau. Pomponace le guérit, comme on en eût guéri bien d'autres si on n'eût mieux aimé les brûler pour épouvanter les indévots (6).

 

Le bon temps de l’Inquisition

Les loups-garous n'étaient pas les seuls en ces bons temps qui mangeassent de la chair fraîche. Sans parler des ogres, que l'on redoute encore dans un foule de villages, il y avait bien d'autres Vampires, qui à la vérité n'étaient pas morts, mais qui n'en étaient pas moins malfaisants. On ne rapportera point ici la hideuse histoire de Gilles de Laval (7), qui fit mourir des centaines d'enfants pour satisfaire à une démence infâme à des débauches qu'on ne se hâta pas de punir, parce que le coupable était puissant.

Ouvrez les théologiens qui ont décrit le sabbat, vous y verrez des sorcières occupées à faire cuire et à manger de jeunes enfants... On voulait brûler les sorciers ; il fallait des crimes ; on leur attribuait les idées les plus horribles : on les leur faisait avouer avec les doux moyens de la torture.

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Notes :
(1) Voyez, dans le Démoniana de madame Gabrielle de P., une historiette assez agréable intitulée la Course du loup-garou, p. 205. C'est un extrait piquant des lourdes aventures de M. Oufle, par l'abbé Bordelon.
(2) Bouget. Discours exécrables des sorciers.
(3) Histoire de la Magie en France p. 118. On voit dans le même ouvrage plusieurs autres loups-garous brûlés pour avoir mangé des petits enfants, même le jour du vendredi…..
(4) Ou contre-poison du Dictionnaire infernal, p. 84.
(5) Tableau de l'Inconstance des mauvais anges et démons. Liv. IV, p. 304.
(6) Les loups-garous devaient être communs, dans des temps où le peuple était plongé dans de misères que nous soupçonnons à peine. De travaux excessifs et la faim amenaient la mélancolie noire. Les prêtres et les moines, qui ne pouvaient autrement retenir le malheureux dans se devoirs trop pénibles envers tous ses nombreux tyrans, attestaient toutes les histoires de spectres, de sorciers, de loups-garous. Le paysan, dont le cerveau était troublé, les organes affaiblis, devenait loup-garou, et courait les champs. Peut-être espérait-il moins de maux avec le diable qu'avec ses maîtres. Quoiqu'on sût bien qu'il n'était pas loup, on le brûlait pour la gloire de la religion, etc. Aussi les malheureux craignaient les moines et haïssaient Dieu.
(7) Référence à Gilles de Rais, alias Barbe-Bleue

Source :
Tiré de « Histoire des Vampires et des Spectres malfaisants », par Jacques Albin Simon Collin de Plancy, Paris, 1820





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