Etudes ethnographiques et orientalistes sur la magie dans l'Islam

La magie dans l'islam
Les études sur la magie en islam n'étaient pas limitées aux seules contrées nord-africaines ou aux pays arabophones. La folkloriste Lucy Mary Jane Garnett (1849-1934) publia en 1912 une étude sur les derviches de Turquie où elle décrivait les nombreuses pratiques magiques qu'elle observait dans ces milieux.

Il existe aussi une abondante littérature ethnographique du même genre pour les musulmans des Balkans qui présentent des points communs concernant leurs médecines dites « populaires » avec celles rencontrées dans différentes régions musulmanes.

La Perse connue elle aussi ses études à l'époque des réformes du Shah Reza Pahlavi. C'était surtout dans le but de consigner cette « ancienne vie, avec ses peurs et ses superstitions » en voie de disparition. Il n'y a pas besoin de se demander pourquoi la magie et la sorcellerie ont été si généralement pratiquées en Iran car ce n'est que récemment qu'il y a eu des écoles pour les garçons normaux, et encore plus récemment pour les filles. C'est le souvenir de cet Iran antérieur à la révolution islamique.
 

L'Islam Noir

Les facteurs d'islamisation de populations africaines sont relativement mal connus. Il semble que le commerce ait joué un rôle essentiel du fait des contacts permanents entre l'Afrique subsaharienne. La conversion à l'islam de ces royaumes est le fruit d'un contact prolongé avec les réseaux commerciaux islamiques.

Au début du XX° siècle, des analyses sur « l'islam noir » visent à déterminer sur quels réseaux confrériques s'appuyer afin de maintenir la séparation entre cet « Islam noir » et le reste du « monde musulman », alors dominé par les Turcs. Paul Marty (n. 1882, m. 1938) développa la théorie selon laquelle « l'islamisation par l'amulette » est un de ces procédés merveilleux par lesquels la religion d'Allah pénètre les masses fétichistes et y ouvre la première brèche avec plus de succès que l'inlassable dévouement de prédication et les exemples d'austérité de vie des ministres chrétiens.

Paul Marty explique que « l'amour du Noir pour le petit papier est connu, que ce soit le permis de voyage qu'il vient réclamer quand il n'en a nul besoin, ou le ticket de train qu'il se voit reprendre avec douleur. Mais ce n'est pas tout. Chez ces peuples ignorants, ou à peine sortis de l'ignorance, l'écriture bien plus encore que le langage et tous les autres concepts intellectuels ou manuels, possède essentiellement, à côté de ces propriétés miraculeuses, un caractère et des vertus mystiques ».

Mais c'est la diffusion du soufisme, et notamment du soufisme confrérique à partir du VIIe/XIIIe siècle, qui a eu un rôle majeur dans le développement d'une magie islamique et non plus astrologique réservée à une élite.

Un compréhension biaisée

La compréhension de l'islam et de la magie est complètement biaisée à cette époque des grandes études du début du XXe siècle. L'islam est ainsi présenté comme une religion résolument tournée vers la magie. Les rites musulmans sont perçus comme des coutumes païennes islamisées. Déceler ces influences non-monothéistes dans la religion du pur monothéisme devient un enjeu non seulement pour montrer que les populations musulmanes ont besoin qu'on leur apporte la science, mais aussi la « vraie » religion.

On cherche alors à montrer à quel point l'élément païen est fort dans le Mahométisme, combien de doctrines et de pratiques de l'islam trouvent leur explication seulement dans la survivance de l'animisme de l'Arabie ancienne ou furent intégrés à partir de nombreuses sources païennes dans l'expansion de la foi, doctrines et pratiques que l'islam ne fut jamais capable d'éliminer ou de détruire. En somme, l'islam n'est pas totalement du monothéisme, du moins est-il un monothéisme prompt à assimiler des pratiques païennes qui entachent cette « pureté religieuse » que l'on attache alors au christianisme.

Un trait commun à nombre d'études sur la magie au début du XXe siècle est de voir de la magie dans tous les rites. Sans renier un caractère ou une origine magique, il faut toutefois souligner que cette association n'est pas anodine : la magie est toujours revêtue des atours sulfureux du soupçon. Reléguer un rite - fût-il religieux - sert à montrer le dévoiement de la pratique religieuse ou des mœurs, voire l'absence de science ou de raison.

Limites des approches ethnographiques et orientalistes

L'étude de la magie en terre islamique à l'époque colonialiste du début du XXe siècle tend à étudier le « folklore », les « superstitions », les « croyances populaires », termes récurrents et empreints du mépris de la pensée occidentale colonialiste de l'époque et qui évacuent l'aspect historique. L'histoire n'intervient que pour expliquer l'origine de telle ou telle pratique, mais les dynamismes qui furent à l'œuvre pour diffuser, populariser, modifier l'acte en question ne sont pas pris en compte.

Le mythe de l'origine sert l'idée selon laquelle le rite magique, rituel ancestral venu des « temps primitifs », est ensuite intemporel et échappe à l'histoire. Dans la pensée colonialiste, « Les natifs sont hors société, hors histoire, hors filiation, hors génération ».

Ces nombreuses études anthropologiques et ethnologiques nous renseignent tout de même sur les pratiques courantes. En faisant litière de la pensée coloniale, nous pouvons en tirer de précieuses informations concernant les pratiques ayant réellement eu cours à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle. Ces chercheurs envisageait donc les rites magiques dans une vaste synchronie ignorant les évolutions et la formation de ces pratiques au cours des siècles, et signifiant que les populations « indigènes » n'avaient plus connu la lumière de la science depuis le Moyen Âge pour mettre fin à une pensée entachée de croyances superstitieuses. C'est donc avec cette remise en perspective de l'époque coloniale et du développement de l'ethnographie et de l'anthropologie qu'il faut aborder ce genre d'ouvrage.



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