La masturbation

Masturbation féminine
L'histoire de la masturbation féminine suit de près celle de la masturbation masculine. Pour une fois, hommes et femmes sont traités de façon presque égale sur le sujet. On remarque quatre grandes périodes dans l'attitude des humains vis-à-vis de la masturbation :

• De L'Antiquité jusqu'au Moyen Âge
• Du début du XVIIIe siècle au début du XXe siècle
• Des années trente aux années 1970
• Des années 1970 à nos jours

C’est surtout l’Antiquité et le Moyen Âge qui nous intéresse dans cet article.

La masturbation, qu’on appelle également « plaisir solitaire » ou encore onanisme, qui est une terminologie issue de l’Église catholique romaine en référence au crime d’Onan, personnage de la Génèse, existe pourtant depuis la nuit des temps mais a connu des époques très répressives jusqu’au point d’être assimilé à de la sorcellerie et à avoir des rapports sexuels avec le diable.


L'onanisme des deux sexes - et surtout l'onanisme féminin - a été depuis des siècles frappé du sceau de l'infamie. Péché mortel de l'Antiquité au Moyen-Âge, il est devenu par la suite porteur de maladies et signe de folie dans les sociétés modernes et hygiénistes. Il paraît même que ça rend sourd. Puis, au début du XIXe siècle et jusqu'à il y a à peine trente ans, la masturbation féminine est apparue, sur le divan, comme le signe d'une immaturité psychologique. Les femmes qui la pratiquent étaient considérées comme des aliénées mentales, des folles qu’on enferme dans les hôpitaux psychiatriques.

Sa réhabilitation au rang de plaisir légitime et à part entière est donc toute récente. C'est pourquoi il était bon de produire ici un petit écrit, hors des chemins pénibles de l'expertise médicale et sociologique, pour retracer son histoire tragique et dédramatiser et rendre sa spontanéité et sa joie à un si simple et si honnête plaisir.
 

L’onanisme féminin au Moyen Âge

Jusqu'au Moyen Âge la masturbation n'est quasiment pas évoquée, elle est tolérée voire encouragée dans certaines sociétés et dans l'Antiquité. La ceinture de chasteté des épouses de seigneurs partis faire les Croisades ne vise à réprimer que l'adultère. La tentation lesbienne ou masturbatoire n'est pas clairement visée. Ce n'est qu'avec l'avènement du monothéisme que les religions commencent à « chasser les sorcières » masturbatrices ...

A l’époque redoutable de l’Inquisition, ces sorcières lubriques, ces hystériques possédées par le mal, commencent par griller par centaines sur les bûchers pour avoir commercé avec Satan ; la masturbation n'est pas encore la cause directe de leur disgrâce, mais on devine déjà les contours d'une répression sexuelle à venir. On les fait avouer sous d'horribles tortures lors de la « Question » et la masturbation est considérée comme preuve irréfutable et définitive. La sentence, en l’absence d’avocat, est immanquablement la mort en étant brûlées vives sur le bûcher en place publique.

Onania, le fascicule qui signe l’arrêt de mort des adeptes de la masturbation

Onania
La véritable répression contre la masturbation, pour les deux sexes, commence exactement en 1712, selon Thomas Larqueur, historien du sujet, par la publication d'un opuscule, Onania, écrit par un dénommé John Marten, chirurgien suisse de son état. Par son sensationnalisme de bazar, Onania connaît un considérable succès en dénonçant violemment les maux induits par la masturbation : cécité, faiblesse pathologique, neurasthénie pour ne point parler de la mort prématurée qui attend les fauteurs des deux sexes. Jamais avant, la santé et l'intégrité du corps physique n'avaient été cités comme le prix à payer pour une telle pratique.

Mais Onania n'est que le premier d'une longue série d'écrits. Des médecins, comme le célèbre Tissot (1758), ou le docteur Bienville, des éducateurs, des pédagogues, des moralistes s'emparent du sujet pour construire de véritables épouvantails contre le vice caché, instruisant son procès avec les arguments de la science.

Au XVIIIe siècle, ce fameux docteur Bienville appelle le libertinage solitaire des femmes « l'effrénée cupidité vénérienne », et lui trouve une cause hystérique, préparant ainsi l'arrivée des théories freudiennes.

À l'époque victorienne, la croisade anglaise contre la masturbation atteint des sommets inégalés. On accuse toujours l'onanisme d'engendrer toutes sortes de maux : saignements de nez, asthme, souffle au cœur, épilepsie, folie...

Pour dissuader les enfants de cette pratique, les parents imposent alors des interventions chirurgicales : circoncision, castration, clitoridectomie...
 

Un vice affreux qui décime la jeunesse

La masturbation, au XIXe siècle, est regardée comme un vice affreux qui « décime la jeunesse ». On lui prête des effets sur la santé à ce point néfastes qu'elle apparaît comme une forme d'autodestruction.

« Cette pratique abominable » , dit, en 1860, un médecin français, a mis à mort plus d'individus que ne l'ont fait les plus grandes guerres jointes aux épidémies les plus dépopulatrices
 

Cette horreur et cette peur pénètrent la société occidentale. Elles ont traversé l'Atlantique. « Les mots », lit-on dans un ouvrage américain de 1870,

sont impuissants à décrire les misères que la masturbation vous inflige durant votre vie entière et jusqu'à votre mort. Ces misères vous suivent et vous rongent sans cesse. Mieux vaut encore mourir sur-le-champ que de vous polluer

 

Pour prévenir ou pour guérir le mal, des médecins ou des éducateurs n'hésitent pas à déclarer qu'il faut inspirer aux jeunes gens un véritable sentiment de terreur.

On est, il faut le dire, en pleine période orthogéniste et hygiéniste, si bien décrite par Michel Foucault dans Surveiller et punir. L'époque de l'ère industrielle où se referment les asiles sur les populations minoritaires et « hors normes », où se quantifie le profit, où se catégorisent scientifiquement les perversions, où s'excisent chirurgicalement les lobes cérébraux déficients et les « parties honteuses» afin que nul individu ne dépasse les bornes fixées par le capitalisme naissant. Il n'est qu'à lire le volumineux ouvrage du « bon » docteur Richard von Krafft-Ebing, Psychopathia sexualis, qui présente doctement, telle une galerie de monstres de foire, toutes sortes de cas d'individus « malades» qui d'homosexualité, qui de fétichisme, qui de tendances masturbatoires...

Une des raisons de cette répression est expliquée par Philippe Brenot dans son Éloge de la masturbation : en 1677, Leeuwenhoeck découvre l'existence des spermatozoïdes, à l'époque surnommés « les animalcules ». Dès lors, se masturber rime avec gâcher. En effet, chaque fois qu'on éjacule, c'est quelques milliers de petits animaux qu'on envoie dans les égouts. Quand le capitalisme prônera la défense de la propriété et la thésaurisation des avoirs, pareille activité - la masturbation et donc la trucidation de masse des fameux animalcules - passera pour du pur gaspillage... Question d'époque. Quelque temps plus tard, on produit en usine et le capitalisme thésaurise : interdiction, donc, de se branler. « Efficacité, Rendement, Productivité ».

Les Théories de Freud

Freud, contemporain de cette vague répressive, va affiner la répression de l'orgasme onaniste à travers ses théories. C'est là que la femme est plus particulièrement visée. Selon Freud, les orgasmes clitoridiens sont le signe d'une immaturité psychologique et il est bon de rapidement transférer le plaisir au vagin sous peine de grave névrose. Le résultat est le même : plus de masturbation. Freud ne recommande pas d'utiliser son clitoris, mais plutôt « d'y renoncer » - ce sont ses termes!

Cette pauvre Marie Bonaparte, patiente et fervente admiratrice de Freud devenue elle-même plus tard analyste, ira jusqu'à se faire opérer deux fois pour tenter de rapprocher chirurgicalement son clitoris de son vagin afin d'en capter les ondes orgasmiques de façon plus « mature ». On ne peut que s'affliger d'une telle ânerie et d'un tel massacre du clitoris et on ne saurait que trop lui recommander plus simplement la lecture de l'ouvrage d'une jeune personne avisée, Ovidie, sur le point G. Dommage, Marie Bonaparte, malgré toute sa science, ne pouvait matériellement, à l'époque, rencontrer Ovidie...


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